Apparemment simple, le don pose question à beaucoup de personnes. Notamment dans un pays comme la France, à fiscalité élevée. Combien donner ? A qui ? Ce sont là des questions qu’il faut se poser. Naturellement il n’y a pas de règle fixe en la matière. Mais il est utile de livrer quelques réflexions qui permettent d’éclairer la démarche de chacun.
On pourrait objecter que de nos jours la redistribution étatique (impôts et cotisations) constitue déjà une sorte de ‘don’ énorme, notamment pour les revenus moyens ou élevés. De fait, dans une société comme la France, sur 1 euro supplémentaire gagné par un salarié bien rémunéré, près des ¾ du coût marginal pour l’entreprise va à l’Etat et au système social. Il est vrai qu’un tel niveau de prélèvement a un effet massivement redistributif ; cela vaut même pour les cotisations maladie par exemple, qui prennent la forme de la CSG, car la cotisation est proportionnelle mais la prestation en principe la même pour tous. Bien des gens considèrent ce niveau excessif et pas assez efficace ; même si d’autres voudraient au contraire l’augmenter. Notre point est ailleurs. Il consiste à dire que notre société est faite comme cela, et que l’existence de ces prélèvements ne saurait nous dispenser de réfléchir sur ce que nous avons à faire avec ce qui nous reste.
Reconnaissons d’abord que notre mérite (notre rôle dans la décision) dans les prélèvements publics est par définition à peu près nul. Être solidaire ne signifie pas calculer ce qu’on fait déjà à travers l’Etat, mais donner de ce que nous avons en fonction des besoins que nous constatons. Or ces besoins sont là, notamment du fait des limites de l’action publique, au moins de ses limites, particulièrement évidentes dans le cas des exclus. Pour eux le besoin principal est que des personnes s’occupent d’eux, ce qu’une bureaucratie fait mal ; il est donc très utile de financer les œuvres qui apportent ce soutien humain. Mais cela vaut aussi pour de nombreuses autres actions, ainsi en faveur du logement, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, du handicap, des arts et de la culture etc. On pourrait dire : comment espérer avoir un effet, sur le plan individuel, avec nos moyens réduits ? Mais il ne faut pas s’obnubiler sur ce décalage. Nous devons d’abord faire ce que nous avons à faire là où nous sommes, en traitant les problèmes qui se posent concrètement à nous. Fondamentalement, le don est au fond un élan du cœur, une occasion de se décentrer de soi.
Combien donner ? Cela dépend évidemment de chacun, de ses charges, de son rôle dans la vie, de ses talents, bref de sa vocation. Mais la tradition juive puis chrétienne nous donne ici une référence somme toute assez raisonnable, qui est la dîme. Elle a constitué une base essentielle pendant une très grande période. Cela voudrait dire qu’il serait souhaitable, en première indication, de donner au minimum le dixième de ce que l’on gagne vraiment (c’est-à-dire du revenu net, après impôt). Remarquons ici que, malgré cette fiscalité très favorable aux dons, nous autres Français faisons pâle figure au niveau international. Les dons des particuliers font 0,11 % du PIB en France contre 1,5 % aux USA et 0.56 % en Grande-Bretagne.